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Aujourd'hui dans la rue, j'ai vu un clochard et comme le clochard m'a vu, il m'a demandé des sous. Des sous je n'en avais pas, alors je lui ai dit que j'étais désolé, alors pour que je ne soit
pas passé pour rien, il me demanda une cigarette. Mais je ne fume pas, parce que je n'ai pas d'argent pour ça non plus. Donc je suis passé et je ne lui servais à rien, à ce clochard qui voulait
des sous, ou au moins une clope. Je ne lui servais à rien, mais il avait envie de parler et moi j'étais content, donc facilement abordable. Le soleil brillait, c'était une belle journée et cet
homme me souriait. Il n’avait pas d'argent, il n'avait pas de clope non plus, mais il avait envie de parler, il avait des choses sur le cœur et avait envie de montrer qu'il en avait un, un cœur.
Il avait un cœur malgré ce que l'on pourrait penser en voyant son aspect extérieur, malgré ce que certains de la masse passive, à qui les clochards font peur, pourraient penser.
Dans son coeur qu'il nous étalait au porte voix de ses douces paroles, il nous racontait un peu sa vie, nous disait comment et pourquoi il en était arrivé à cette condition de SDF. Quand on est
clochard, on est souvent seul ou seul entre clochard. On est seul face à sa misère et l'on aime entendre les autres, leur parler...Juste pour sentir un petit moment de chaleur, ou l'on est ni
clochard, ni non clochard, ou l'on est humain. Un humain parlant à d'autres humains et aimant ça.
Cet homme c'est Gigi. Gigi il est clochard parce qu'il le veut bien. Il travaille mais au noir. il n'est pas inscrit à la Sécu parce qu'il ne veut rien devoir à personne. Il ne veut pas être
soumis à un loyer qui l'emprisonne. Gigi veut vivre libre, en dehors des comptes courants, des inflations immobilières, des assurances à tout va...Il est clochard, mais ça ne l'empêche pas d'être
poli, de bien se comporter. Il souffre Gigi, comme tous les gens à la rue, mais il honore les petits plaisirs que la vie lui accorde, comme les discussions simples, entre gens sympathiques et
bienveillants. Gigi souffre, mais quand il souffre, il se sent plus proche d'un dieu auquel il croit. Effectivement, ce dieu, celui de l'église qu'il nous montre, celui du ciel qu'il nous pointe
du doigt, celui là souffre et fait souffrir. Dire que c'est dans la souffrance qu'on en est le plus proche, n'est pas bête du tout. Après tout, les croyants extrémistes se flagellent bien avec
des orties...Jesus est mort sur la croix pour expier les pêchés des hommes...
Gigi, il vivait comme tout le monde avant. C'était un footballeur semi professionnel. il évoluait aux alentour d’Auxerre, mais n'avait pas été repéré par Gui Roux, comme Cantona ou Boli. Boli, il
l'a rencontré à la pêche. il lui a fait visiter Auxerre en mobylette..Vu la taille du gaillard, ça n'a pas du être évident...Alors, dans ses années de jeunesse, Gigi n'a pensé qu'au foot. Sa
femme en a eu marre et s'est barrée avec une fille dont il ne s'occupait guère. Alors maintenant, Gigi, il est tout seul et ne peut compter que sur ses potes clodos. Eux aussi peuvent compter sur
lui, pour ne pas boire pendant qu'eux se bourrent la gueule, pour qu'il leur évite de faire de trop grosses conneries. Il en sait quelque chose, lui a failli se fracasser sur un escalier en ayant
trop bu, voulant éviter un tomate cerise...
Pour nous remercier d’avoir écouter ses histoires et d'en avoir été intéressé, Gigi nous a fait un tour de magie avec un briquet et un numéro d'équilibriste avec une branche d'arbre. Je ne sais
pas si je reverrais Gigi, mais ce que je sais, c'est que ça m'a fait plaisir de le voir aujourd'hui et que son passage dans ma vie sera dans ma mémoire pour longtemps. Cela n'a pas de prix et
vaut bien plus qu'une pièce, qu'une clope ou qu'un regard plein de mépris.